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A l’heure où l’on célèbre le cinquantenaire du traité de l’Elysée, l’appel semble pour le moins inattendu. Pourtant, Arnaud Leparmentier, éditorialiste au journal Le Monde et fin connaisseur des arcanes européens, le lance en toute connaissance de cause. Et soutient la thèse qui veut que, si dans un couple l’un des deux ne fait pas son boulot, inutile de sauver la face en disant que tout va bien. Sur le banc des accusés, il convoque … Paris !
Il a accepté d’expliquer son propos à l’occasion de la sortie de son essai, Ces Français, fossoyeurs de l’euro (éd. Plon).
Pourquoi un jugement aussi catégorique envers la France ?
Les Français ne sont pas des partenaires sérieux. Ils prêchent la relance mais ne font pas d’efforts financiers et se contentent de dire "non" aux Allemands. Ils ne prennent pas au sérieux le noyau dur de la construction européenne que constitue la monnaie unique : en laissant filer leurs finances, ils montrent qu’ils ne s’imposent aucune des conséquences de cette mise en commun.
Ces 20 dernières années – depuis le traité de Maastricht – sont jonchées de ratés franco-allemands, notamment parce que les Français ne font pas leur part du travail de réforme indispensable pour avancer dans l’Union. Il sera difficile de les faire changer : les Français ne font même pas l’effort de s’adapter au monde tout en étant convaincus d’être de bons Européens. Pour eux, l’Union européenne, c’est la France en grand.
L’Europe traverse-t-elle une crise politique ou économique ?
Je soutiens que la crise de l’euro n’a pas commencé avec la crise grecque mais avec la signature du traité de Maastricht, qui est une construction bancale. Depuis, on défait ce qui a été fait. Dans les années 2000, les débats se sont institutionnalisés au lieu de se pencher sur le cœur du réacteur de l’Union européenne : l’euro. On a pensé que la monnaie unique était éternelle et que les marchés étaient morts.
Or la crise grecque a montré tout l’inverse. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy s’en aperçoivent très tôt, même s’ils ne posent pas le même diagnostic sur ce qui est en train de se passer. Et sur ce coup là, c’est le président français qui a raison : il analyse la crise grecque comme une crise systémique de l’euro alors que Merkel fustige les Grecs dépensiers qui n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes. Aujourd’hui, on continue d’être dans la correction de Maastricht. Il y a encore du travail, et cela nécessite une coordination plus poussée.
Le couple franco-allemand a-t-il de l’avenir ?
Le couple franco-allemand ne fait pas tout : dans les années 90, une nouvelle génération de dirigeants arrivent aux commandes en Europe et ils se distinguent par leur euroscepticisme. Ce qui explique aussi le ralentissement de l’intégration européenne. Les Français doivent admettre que ce qui se passe en Irlande et au Portugal prouve que les Allemands n’ont pas tout faux avec leur vision économique de la compétitivité. Même si – il faut le dire – quand Berlin n’est plus en position de force, les Allemands sont moins enclins à faire de la compétitivité à tout prix, comme l’a montré l’affaire EADS. Ils considèrent le libre-échange comme un acquis universel et impose l’ordre libéral à tout le monde … sauf à eux-mêmes quand ils sont en position de faiblesse.
Pour l'instant, l’euro est sauvé mais comme l’a évoqué Angela Merkel, il n’est pas exclu que la France soit victime d’une attaque des marchés prochainement. Sans oublier qu’avec les élections en Allemagne, l’Union risque de connaître une année blanche, mais cette pause ne serait pas dramatique.”
Dans l’épilogue de son ouvrage, Arnaud Leparmentier en appelle à la responsabilité des dirigeants français :
L’euro s’est fondé sans pacte politique. De décision électoraliste en petite lâcheté, il est arrivé au bord du gouffre. [...] Le projet mérite d’être refondé. […] Pour y parvenir, François Hollande doit élaborer une offre française à présenter aux Allemands après les élections fédérales de l’automne 2013 et aux Européens à l’occasion des élections européennes de juin 2014. Pour rompre avec l’irrésistible processus de faiblesse engagé depuis 20 ans. Pour retrouver l’esprit des fondateurs et créer l’Union politique oubliée à Maastricht. La condition de survie de l’euro est à ce prix.
Photo AFP